TEXTE n°12

Titre : IMPORTANCE RELATIVE DES PUITS DE CARBONE

Date: Samedi 30 Septembre 2000
Mots clefs : CDM, CO2, GHG, IMAGE, KYOTO, PUITS

Résumé : exemples de calculs à propos de l'intérêt de planter des forêts pour compenser des émissions de gaz carbonique (CO2), par exemple celles des voitures

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Introduction

Mon idée est ici de faire le point sur les émissions des automobiles par rapport à la quantité de carbone (noté "C" dans le reste du texte) contenue dans les arbres. C'est un thème classique, mais je trouve qu'il manque toujours, dans les documents que je connais, des ordres de grandeur. Je rentre ici dans le détail des calculs, et je fournis des ordres de grandeur. Ce texte devrait être lu "avec une calculatrice à ses côtés" pour comprendre et valider ces calculs.

De plus, je donne quelques éléments de réflexion sur les puits de C. Je commence par les résultats (sous forme d'ordres de grandeur faciles à retenir et à comprendre) pour ceux qui ne veulent pas tout lire !

Résultats

Un sous-bois en France...

Il y a de 1 à 10 tonnes de C fixés par hectare et par an par une forêt (10 t de C/ha/an, c'est au Brésil) (ou encore de 3 à 40 tonnes de CO2 fixés par hectare et par an) , en fonction du lieu où se trouve la forêt, du type d'entretien de cette forêt, de son état de croissance, et des espèces qu'on y met.

20 à 30 tonnes de CO2 sont émises pendant la durée de vie d'un véhicule (dépend de sa consommation et de sa durée de vie), et 1470 tonnes de CO2 sont fixés (=10*40*44/12) par hectare planté au Brésil (10t de C fixée par ha et par an) (total sur 40 ans)

Ainsi, chaque hectare planté au Brésil fixe une quantité de CO2 équivalente à celle émise par 73 véhicules (=1470/20) pendant leur durée de vie. Une surface nouvellement plantée de 10 000 ha au Brésil (Paris en fait 8 000; un cercle de 11 km de diamètre fait 10 000 ha) va ainsi fixer sur 40 ans une quantité de CO2 équivalente à celle émise par 730 000 véhicules (=73*10000) pendant leur durée de vie (en général sur 10 à 15 ans). Sachant que le parc automobile augmente en France de 500 000 à 1 000 000 de véhicules par an, cette surface est celle qu'il faudrait planter tous les ans au Brésil, puis entretenir, pour ne compenser que la quantité de CO2 supplémentaire annuelle due à l'accroissement du nombre de voitures en France.

Avec les 15 millions d'hectares totaux plantés en France, on compense aussi, à 2 t/ha/an de C fixée, 36 à 55 millions de voitures (=15*2/0.820 ou 0.545) (fonction du nombre de km moyens parcourus par les véhicules), sachant qu'en 1998 il y avait 31 millions de voitures en France (dont 26 millions de voitures particulières). Il faut ainsi l'ensemble de la forêt en France pour compenser les seules émissions de CO2 dues aux voitures françaises. Cependant, les voitures ne sont pas les seules sources de CO2... loin de là ! Pour compenser l'ensemble des émissions de CO2 dues aux voitures existantes en France, il faudrait planter 2 à 3 millions d'hectares au Brésil...

9 FF la tonne de CO2 fixée (coût de plantation d'une forêt au Brésil), c'est, sur la durée de vie du véhicule, 180FF en plus ! (=20 x 9) soit une augmentation de 0.2% du prix du véhicule (=180/85000*100). Pas cher du tout ! On pourrait même se permettre, à ce prix, de bien entretenir la forêt en question !

Je rentre maintenant dans le détail des calculs.

Emissions annuelles de CO2 des voitures

Calcul approximatif : 8 litres d'essence au 100 km (exemple) sont 8 x 0.8 (densité) x (12/14) = 5.5 kg de C pour 100 km, soient 0.055 kg de C par km, ou encore 202 g de CO2 par kilomètre... (0.055 x 44/12)

Prenons pour simplifier 1 km de voiture = 200 gr de CO2 émis. Pour INFormation, les valeurs moyennes officielles sont de 186 g en Europe, 191 g au Japon et 260 g aux USA (ces derniers consomment beaucoup, non ?).

1 voiture = 10 à 15 000 km par an (ex.); donc une voiture c'est 2 à 3 tonnes de CO2 annuel (=0.2*10000 ou 15000), ou encore 1 voiture = 545 à 820 kg de C annuel (2 à 3 x 12/44). Sur 100 000 km, durée de vie d'une voiture, le CO2 émis est de 20 tonnes (je ne parle ici que du CO2 direct, et pas du CO2 équivalent direct qui prendrait en compte les CH4 etc. émis par le moteur... que je suppose ici négligeable).

Fixation annuelle de CO2 par les arbres en France

Forêt au Kazakhstan

"Les ressources forestières de la région de la CEE (Europe, URSS, Amérique du Nord)", 1986 (page 152) : "une tonne de biomasse est équivalente à 0,45 tonne de C".

En France, en 1994, il y a 2 000 000 000 m3 de bois sur pieds en 9 920 813 100 tiges sur 14 500 000 ha. L'accroissement France est de 83 000 000 m3/an en 1999. (sources : IFN, 2000)

Ratios des forêts françaises : 138 m3/ha, 684 tiges/ha, 0.2 m3/tige, +5.72 m3/ha/an (extrème : Epicea avec +40m3/ha/an)

Densité : 0,8 t/m3 pour le chêne commun; 0,7 pour l'érable, 0.45 peuplier, 0.99 amandier et 1,39 pour le chène rouge d'Australie (il coule !). Prenons d=0,8 pour le bois dans le reste du document.

1 hectare de forêt française = 2 t de C fixés annuel (=5.72 x 0.8 x 0.45), ou encore 1 hectare de forêt française = 7 tonnes de CO2 fixées par an (l'estimation de l'IFN est de 1 t de C par hectare, car ils annoncent dans le commentaire que la forêt française fixe au moins 15 millions de tonnes de C par an, à comparer au 14,5 millions d'hectares plantés). Cette valeur de 2t/ha/an correspond à une forêt entretenue, et apparaît comme une valeur "indépendante" du temps (du moment que la forêt est entretenue).

L'exemple de Peugeot

Les données du site en 2001 : 5 000 hectares plantés, avec une croissance des arbres durant 40 ans. Il y aura 10 millions d'arbres sur ces hectares. Cela correspondra à 50 000 tonnes de C fixées par an soient 183 000 tonnes de CO2 prélevées par an dans l'atmosphère (50 x 44/12).

Données de Peugeot (communication publique pendant eco1999) : 65 MF pour planter la forêt, soient 9 FF la tonne de CO2 fixée (=65000000/183000/40).

Ratio de la forêt de Peugeot :
1 hectare de forêt brésilienne = 10 t de C fixés annuel (=50000/5000) ou encore 1 hectare de forêt brésilienne = 37 t de CO2 fixés annuel. Cette valeur de 10t/ha/an correspond à une forêt brésilienne en développement, et n'est valable "que" pendant 40 ans selon les dires de l'ONF (partenaires de Peugeot pour le projet brésilien).

Les puits de carbone...

Le C du bois provient du CO2 atmosphérique... Ce CO2 a de nombreuses origines, dont beaucoup de naturelles, mais une fois émis, l'impact sur l'environnement dépend surtout de la quantité globale de CO2 dans l'atmosphère (et pas de la concentration locale). Donc certains prennent le droit de dire que, lorsqu'on investit dans une forêt, on récupère le CO2  que l'on choisit . Exemple : un constructeur automobile, comme Peugeot, qui investit dans la création d'une forêt peut dire qu'elle compense les émissions de ses voitures, même si la forêt est au Brésil et même si la voiture est utilisée en France. Cela se discute.

Forêt au Kazakhstan

En forêt, les arbres poussent... et ont un devenir qui peut être très différent. Ils peuvent être coupés, ou rester sur pieds jusqu'à leur mort et leur pourrissement, puis ils se font dévorer. S'ils se font couper, ils vont soit faire du feu, soit servir dans la construction, l'ameublement etc. Mais tout cela un jour sera aussi brûlé, ou dévoré. Quoiqu'il en soit, chaque arbre un jour retourne le C atmosphérique qu'il avait fixé à l'atmosphère, ou au sol sous forme minérale (très peu). C'est ce que l'on appelle le cycle du C (de façon très simplifiée). Le bilan sur un arbre est donc nul, à une échelle de temps plus ou moins longue. Un arbre n'est donc pas un puits de C.

Regardons maintenant la forêt en tant qu'entité. Là, le rôle de l'homme est aussi très fort. La forêt est composée d'arbres qui poussent (croissance, forte fixation de CO2), vivent (maturité, faible fixation de CO2) et meurent (relargage du CO2, pour simplifier). Ainsi la forêt croit tant qu'il y a plus d'arbres qui sont en croissance que d'arbres en train de mourir. Une forêt ne croit plus quand les deux se compensent, ce qui arrive pour les forêt anciennes. Ce qui est bien, c'est que, si on y fait attention, la forêt ne meurt pas, et n'a ainsi que 2 périodes: croissance (+10kg/ha/an) et maturité (+2 kg/ha/an). On peut bien sûr exploiter cette forêt pour que la croissance à maturité soit non nulle, ce qui permet d'en tirer des ressources (qui deviennent alors des stockages temporaires de C, jusqu'à leur destruction finale) (une bonne exploitation prend les arbres qui sont à maturité pour permettre à des petits de grandir).

Les causes de destruction des forêts sont le feu (naturel ou humain) et les autres interventions de l'homme (destructions pour faire une autoroute par exemple). Cela peut ne pas se produire si on fait attention. Alors, on parle de forêt bien entretenue, source de ressources pour l'homme, en croissance continue permettant l'exploitation. L'ensemble des arbres, de masse fixe (compensation) ou même croissante, représente du C qui est stocké là, pour très longtemps si on fait attention. Cette forêt entretenue est un puits de C.

Remarque finale, relativité des puits de carbone, vision globale

Afin d'être responsables, logiques et consistants, il faudrait commencer arrêter de faire disparaître la forêt au rythme de 70 000 hectares par jour comme il est présenté sur le site "The RainForest Site" et ainsi au cours de mon texte n°9. Cela n'a aucun sens de planter même 80 000 hectares par an si chaque jour on en détruit 70 000 !!! Cette destruction de forêt humide est, du point de vue de l'augmentation de CO2 dans l'atmosphère annuel, 10 fois plus responsable de l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère, donc de l'effet de serre, que les voitures en France (365 x 70 000 / 2 500 000).

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